Date : 7 mai, 2024
Catégorie(s) : Action communautaire,Défense collective des droits
Déclaration PL 57- Un recul pour les droits et libertés
Mise en contexte
La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a déposé le 10 avril dernier le projet de loi 57 « visant à protéger les élus et favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions». Les consultations ont eu lieu du 30 avril au 2 mai 2024, à peine trois semaines après le dépôt du projet de loi.
Bien que les intentions derrière le projet de loi soient louables, plusieurs articles posent des menaces sérieuses à la participation citoyenne, à l’action politique, à la liberté d’expression et au droit de manifester.
La nouvelle loi propose notamment des injonctions pour « tout geste ou propos qui entrave l’exercice des fonctions [d’un député ou un élu municipal]» et des poursuites pénales (amendes) pour quiconque « cause du désordre de manière à troubler le déroulement de la séance » d’un conseil d’un organisme public, tel qu’un conseil municipal ou un conseil d’administration d’une société de transport. Les articles en question ne mentionnent ni le harcèlement, ni l’intimidation ou les menaces, qui sont pourtant les problèmes à régler.
Ces notions très larges et floues laissent place à l’arbitraire, à une application abusive de la loi et à plus de judiciarisation de la contestation sociale.
Qui plus est, le projet de loi 57 confie la responsabilité d’intenter des recours judiciaires au Directeur général des élections (DGE), ce qui pose des risques importants pour sa neutralité et son indépendance, des principes essentiels à la garantie du droit de la population à des élections justes et équitables.
Invitation à signer la déclaration
La Ligue des droits et libertés (LDL), le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ) et le Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD) tiennent à rallier tous les groupes, organismes ou collectifs qui se sentent concernés autour de cet enjeu.
Vous êtes invités à signer la déclaration ci-dessous d’ici le lundi 13 mai à 12h. Les appuis à la déclaration permettront de faire une sortie publique très prochainement et d’alimenter les démarches pour nous faire entendre.
Pour en savoir plus:
Consulter le mémoire de la LDL
Consulter la lettre ouverte du 24 avril dernier
Consulter l’article de La Presse
Vignettes et campagne de lettres du MÉPACQ
À noter :
Nous ne souhaitons pas que notre démarche suscite des craintes ou des peurs qui limitent votre action politique ou vos initiatives citoyennes. À l’inverse, nous voulons plutôt réitérer collectivement que nous poursuivrons nos actions politiques, que nous serons solidaires, et que nous nous tiendrons au courant si ce droit est entravé ou bafoué.
Si vous connaissez des groupes ou des citoyennes ou citoyens qui ont déjà vécu de la répression en lien avec une action politique (présence au conseil municipal, occupation de bureaux, campagne de lettres, rassemblement ou autre), nous recueillons les exemples pour alimenter nos travaux et illustrer que les dérives existent déjà.
DÉCLARATION
Nous sommes des groupes communautaires, militants, écologistes et syndicaux vivement préoccupés par les impacts du projet de loi 57 « visant à protéger les élus et favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions», déposé par la ministre Laforest le 10 avril 2024.
Nous reconnaissons qu’il existe des enjeux bien réels de harcèlement, d’intimidation et de violence qui sont vécus par des personnes élues, surtout des femmes et des personnes issues des minorités, autant de la part d’individus, que des élu-e-s entre eux et elles. Le problème est sérieux et méritent qu’on s’y penche avec attention pour identifier les bonnes solutions qui amélioreront la situation.
Nous constatons, toutefois, que le chapitre 1 du projet de loi 57 n’apporte pas de solution adéquate à la problématique, tandis qu’elle présente des risques sérieux d’atteintes aux droits et libertés. D’autant plus qu’il existe déjà des recours légaux pour répondre aux menaces, au harcèlement ou à la violence envers toute personne, incluant les personnes élues.
La nouvelle loi contient des notions trop larges et ne distingue pas, d’une part, les menaces avérées envers des personnes élues et, d’autre part, la participation démocratique, l’action politique citoyenne et la contestation sociale. Ces formes d’action politique sont pourtant au cœur d’une société démocratique saine, basée sur la justice sociale et la défense des droits humains.
Nous constatons déjà depuis plusieurs années un durcissement du traitement de l’action politique, notamment celles se tenant dans les conseils municipaux ou aux bureaux de circonscription. Pourtant, ces actions font partie des moyens d’expression à disposition des citoyens et citoyennes. Cette limitation des espaces de participation ou de contestation face aux décisions prises par les élu-e-s n’améliore pas le climat social et nous fait raisonnablement craindre des utilisations abusives de la nouvelle loi proposée dans le projet de loi 57.
Nous avons à cœur notre démocratie et considérons que la liberté d’expression et de manifestation en sont des composantes essentielles. Les escamoter ou s’en remettre aux tribunaux pour interpréter la nouvelle loi est une avenue qui, en plus de créer des dénis de droits, ne viendra pas diminuer le harcèlement envers les élu-e-s.
Nous souhaitons que la ministre Laforest, plutôt que d’adopter en vitesse le projet de loi 57, en retire le chapitre 1 et se penche en profondeur sur l’enjeu fort important du harcèlement vécu par les élu-e-s. Des consultations plus larges permettrait d’entendre la société civile, de tenir compte des droits et libertés protégés par les Chartes québécoise et canadienne, et de se pencher sur les rapports qui font état de recommandations intéressantes notamment au niveau de l’éducation et la sensibilisation.
Une telle démarche ferait d’une pierre deux coups : éviter de créer de nouveaux problèmes en termes d’atteinte à la liberté d’expression et identifier les bonnes solutions pour les élu-e-s.